KINDER Ed c'est qui ?

 

C'est un gars tranquille.

Jusqu'au jour où il se rend compte que les personnes qu'il rencontre savent des choses,
dont il n'a parlé qu'à d'autres. Ou en tout cas qu'elles se comportent comme si elles savaient.

C'est un gars tranquille qui devient paranoïaque.

Ces personnes ce sont ses amis.

 

Fragment I

Il a descendu l'escalier.
S'est jeté dans la rue.
Sous un ciel sans soleil.

Il est passé courant l'instant rouge.
Traversant la chaussée désertée.
Au coin de la rue, s'est abattu, contre les portes d'une cabine.

Le temps d'un souffle.
Ses doigts bégayaient le numéro de son âme soeur.
Il voulait en avoir le coeur net.

Ixcuina ?
Tu crois que ce décor de bal de masque c'est dans ma tête ?

Le silence absolu délivre enfin le bruit lourd d'un coeur.
Coups de semonces unis aux sonneries lointaines.
Une voix qui se brise, une voix qui supplie.

Viens, viens...
J'ai besoin.....te voir.

Ed s'attend à l'horreur qui va l'accueillir.
Cela fait des mois qu'il attend qu'elle le délivre du doute.

Au travers du voile déchiré de maya.
Il la regarde derrière chaque masque.
Ils répètent toujours la même scène.

Qui est le metteur en scène ?

 

Fragment II

Le combiné heurte violemment la vitre,
quand le pantin désarticulé s'effondre au pied du poste,
sa main aveugle balaye l'espace. Absence. De tout.

Sauf le Doute.

La scène présente Ed et un masque, face à face.
Ed explique celle qui est derrière ton masque est la femme qui est derrière tous les masques.
Elle rigole doucement.
Pour ne pas faire de peine à Ed.

Et aussi parce qu'elle est triste.
A ce jeu personne n'est dupe.

Ed n'admet pas qu'il rêve, et ses rêves deviennent réalités.

Elle ne lui cache pas la vérité.
Derrière les masques elle ne cherche pas à se dissimuler.
D'une femme à une autre ils poursuivent leur danse.

Ed attend de savoir si il est fou.

Voir une inconnue arriver, et voir son visage se troubler, devenir celui de son âme soeur.
Voir la brume la dessiner.
La voir venir d'hors d'une ombre.

Ed est perdu tremblant dans son néant.

Il la voit venir comme une femme banale marchant jusqu'à chez lui
sans autre magie que sa présence.

Il l'a rejoint penaud sur son palier.
Il lui explique pourquoi il était à l'extérieur.
Il lui exprime ses doutes.

Il devrait être rassuré.

 

Fragment III

Ils sont rentrés boire un café à l'intérieur.
Sans vie.
Sa voix qui parle.
Qui dit qu'il ne rêve pas, rien n'existe.
Le film a été tourné... il y a longtemps.
Le libre arbitre est une foutaise...à part peut être au montage.
Les mots peuvent changés mais le propos reste le même.
C'est la trame.

Ixcuina : la mutamorphe c'est l'histoire, la trame, non ?

L'histoire elle s'étale sur les bribes de phrases des foules, dans les paroles des disques.
Elle commence dans un livre, se poursuit sur le mur en bas et s'achève dans la toile internet. Partout où il y a un langage, elle parle même par mes lèvres.

Elle est en face de moi mais ne parle plus. Comme une pensée arrêtée.
Le sol de la cabine fait comme une spirale qui m'attire en son coeur.
Comme à chaque fois que ma main rencontre sa main.
Je m'accroche.
J'oscille brutalement comme une proie en contact.
Puis je chute au coeur de la toile.

 

Fragment IV

Sa main me pousse.
Son rire me suit.
Elle me montre un message.
Ecoute : [+]

La cabine penchait, chacun des fragments de ses vitres me renvoyaient l'image de ma peur.
Celle que je guettais. La mutamorphe. Etait en moi.
Elle ne sortait que pour jouer les phantasmes de ma vie.
Ces silhouettes singulières à vague ressemblance humano-amibienne.
J'ai tenté d'appréhender sa présence.
Peut-être qu'elle se cherchait.
Cette bête.
J'aurais du être un humain pris dans l'abîme de ses pensés faisant face à son reflet.
Mais j'ai préféré croire en cette schizophrénie soeur de mes actes,
cette âme pour corps abandonné.
J'aurais du sortir et revenir vérifier mon absence.
Mais peut-être que j'avais peur de l'assassiner ?
Deux mains dans ces bris, l'acier et la peine mordant mon coeur.
Belle flamme rouge, danseuse du néant passion idéale comme une héroïne.
Me contenter. Et mourir.
Des draps s'étirant vers moi,
ses bras sanglants tendus comme un poème d'envie.
Il aurait fallu que l'enfant qui vivait là haut voit comment meurt les vieux.
Dans une désillusion, vautrés dans une désillusion sans fin, ils tendent ce qu'ils peuvent de leur chair, suppliant une présence un chemin pour la cohérence.
Mais ne rencontrent que le vent souffle de l'absence. Comme un ange dans la bouche de dieu, devenu frileux. Regarde le jeu dans la coupe de vie. Des vieillards malades aux masques racornis fouillent la surface lisse comme un miroir.
L'enfant foetus est parti.
Il est descendu au fond des mémoires humaines, s'y faire conscience s'y faire présence.
Eux ont perdu l'enfant foetus.
Ils attendent de porter le masque à leurs mains et de se figer à jamais.

Aujourd'hui, Ed s'avance et traverse mille fois cette rue un bris de verre à la main,
et de la cabine, à la cabine, Ed porte son image jusqu'à l'intérieur de l'ascenseur.
Son sang est moins fluide maintenant comme oxydé, rouille qui colle à ses mains quand celles-ci sur le fond s'appliquent à fixer chaque bris jusqu'à former une toile de verre nue.
La rouille tombera en poussière.
Au travers, Ed veux voir à travers, mais ce n'est pas un miroir, l'abîme absorbe son image.
Son corps se fige et reprend son chemin humain, sort de l'ascenseur et quand en haut de l'escalier, il approche son visage de l'écran, il voit son image.
Alors c'est ça sa maison ?

C'est pour ça qu'il a si froid ?

Drogué par un écho ?
Il y a des chats qui deviennent fous devant des miroirs et des hommes qui en naissent et ce croient de l'autre coté, car c'est dur d'admettre qu'on est séparé de sa maison.
Alors Ed pose un bris de verre sur chaque marche en s'appliquant et de bris en bris il descend l'escalier, mais quand il arrive en bas, il est là, ce petit monticule contre la paroi du fond de la cabine.
C'est étrange comme le vent souffle le cri d'un homme qui souffre.
Ed s'allonge contre, rêveur et dors. Certains se jettent des fenêtres ou des ponts d'autres tombent de si haut... Mais tous finissent comme dans la bouche de dieu.

 

Fragment V

Dans mes rêves, j'ai été voir l'Oracle de la Manna. Je lui ai demandé de m'aider.
Je lui ai posé cette question :

"Qui de l'éternel, de l'homme et de l'éphémère est le plus heureux ?"

La cabine sonnait ?
La cabine hurlait.
Elle me raconte qu'elle appelle au hasard pour vérifier si elle n'est pas morte car elle a l'impression que plus rien n'est réel.
Elle me dit que même si j'ai répondu, cela ne veut pas dire que ce ne soit pas eux, qui lui aient fait penser à ce numéro. J'essaie de parler. Mais déjà comme si la cabine ne s'était jamais arrêter de hurler. Tu dois me prendre pour un folle à lier, mais ils existent eux,
ce sont de grandes vitres immenses qui se penchent souvent sur moi, comme si elles écoutaient mes pensées. Et elles me disent les pensées des gens avec qui je parle, c'est pour ça que je doute. Enfin je doute pas, j'essaie de me dire que je peux douter, même si la vérité me glace le sang...
Quand j'ai raccroché elle hurlait encore, d'un rire mauvais.
Le combiné n'a pas explosé, mais je l'ai tapé assez fort pour qu'il se dérange et me laisse entendre rêveur une petite voix qui chantait :
...des bris...des bris...autour de moi....tu ne me crois pas....
mais ces vitres immenses ont des fissures...des lézardes qui susurrent la vérité.
Une petite voix étrange.
Et mes yeux fascinés par la vie des fissures sur ma peau qui chantaient avec elle.
Je suis retourné devant l'écran, elles glissaient une à une poussées par mes doigts de lui à moi, transit de l'extérieur à l'intérieur, retour à la cabine départ.
11 petites voix qui hurlaient d'une voix d'enfants étranges et vénéneux.
Il n'y a plus de bris, plus même de poussières.
Elles sont disparues dans le néant, notre futur est un chemin.
Les toiles de l'absence. Je ne suis pas un spectre né dans un combiné qui aurait traversé la rue et rencontré l'humanité stockée dans un vieille ordi.
Je suis l'enfant du désir celui qui fut traversé avant de disparaitre au sein de son chemin.
Ed : l'homme tranquille qui écrit dans le passé mes pensées du présent, histoire de voir quel effet ça fait de se relire, de réécrire toujours son présent.
Je cherche juste à cacher l'absence de futur au sein du néant.
Pour ne pas effrayer mes visiteurs.
Histoire de voir quel effet ça fait quand on ouvre grand la fenêtre, histoire de voir si l'homme est un oiseau qui n'ose pas voler...

 

Fragment VI

Chaque fois que je jette un bris de mon balcon mon écran hurle.

J'aime bien mon écran, il est fou.

Je ne m'ennuie presque pas.

Quand il est là je ne me pose pas de question.

Je viens et je le regarde se briser encore et encore.
Je regarde ses marées revenir bribes après bribes comme un leitmotiv,
un message connu de tous, mais qu'aucun ne peut tolérer.

Au fond, il y a l'enfant qui regarde émerveillé, qui joue avec les bribes.

Oui, mais ce ne sont que coquillages, vestiges macabres,
juste bons à s'user les uns sur les autres.

 

Cette poussière est le lit de mes amours élysées.

 

J'aime voir les draps froissés ivres et las.

Saturé.

Inspiré.

Ed prend une feuille blanche et va chercher la poussière de rouille dans la cabine.
Il veut l'emmener à l'autre cabine pour la lui donner.
Il attend au pied de son poste. Elle ne crie pas.

Il a laissé la poudre dans la cabine il veut qu'elle l'aime pour lui.

Elle ne crie pas.

Si elle n'appelle pas... Peut-être est-elle heureuse ?

 

Fragment VII

Je n'attends pas que l'on vienne mettre de nouvelles vitres à la cabine.
Je vais à ma fenêtre regarder passer les bris nourris de la vie extérieur.
Alors j'entends l'un deux murmurer.
Tu devrais écrire une nouvelle en forme de dialogue, un truc genre un chat internet.
Catharsis...
Tu demanderais à une amie de tenir l'un des rôles,
et de faire comme si c'étais une discussion ayant réellement eu lieu.

Je lui ai fait confiance. [+]

J'ai transcris mon fantasme intérieur à l'extérieur pour l'atteindre.
Manger le fruit avec mes mains d'homme.
En vain.

Extérieur est Intérieur.

La nuit m'entoure, je suis épuisé.

Un nouveau message vient d'arriver, un colibri survole ma fenêtre.
Il dit :

Toi.

Tu es mort-né.
Tu es l'heureux élu.

Tu es éternel.
Tu es éphémère
et tu es homme.

Si tu te demandes qui je suis passe à travers,

oh, mon espoir éternel.

 

Morne. [Août 2003].