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ADOLESCENCE

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Saint Jean d'Arc.

 

Tu entends

entends-tu

tu tends ton arc

et tire une flèche

tu entends

la bête qui s'endort

gémissant doucement

sa poitrine qui baille

la bête s'enfuit dans le sommeil

tu es la plaie

c'est par toi qu'elle s'enfuie

c'est dans ton sommeil qu'elle survie

c'est ta vie qu'elle lape doucement

 

tu blesses et elle pense la plaie

 

tu blesses parce qu'elle pouvait te blesser

ou parce que la blesser pense ta plaie

 

tu te plais à être blessé

pour être pensé

 

Jean d'Arc tu es un rêve

tu es le rêve du faiseur de plaie

 

*

 

Melba chiffon.

 

C'est l'histoire d'une fleur blanche

prise dans le vent

frémissante de vie

les pétales de la fleur jolie se soulèvent

tandis qu'un colibri cinéphile

pompe son nectar

le vent tellement absorbé à contempler ce mythe

en oublie de souffler

et la fleur chute fragile

ses racines graciles dans une piscine

viennent à puiser parmi les bulles

un champagne léger

qui avec quelques comprimés

suffisent à l'envoler

bien plus haut

qu'elle n'eut pu le rêver.

 

*

 

Vain du destin.

 

Du sang, du sang,

c'est tout ce que j'entends,

quand j'entends rire les enfants.

La soif qui noue leurs veines,

ce qu'ils voient, c'est les mamans,

gorgée de sang.

Du sang, du sang,

c'est tout ce que je vois,

quand je regarde la croix.

Le vin trésaille,

dans les entrailles de maman.

Du sang, du sang,

c'est tout ce que je bois,

quand je m'accroche au mamelon,

quand je déchire l'auréole pourpre,

qui libère le sang de maman.

Du sang, du sang,

c'est tout ce qu'il nous manque,

pour vivre éternellement,

un sourire aux dents.

 

*

 

Petite parcelle de l'alchimie natale.

 

Pose tes mains sur mon ventre

va vers le feu

traverse le Styx glacé

de ma paroi d'acier

sens les idées folles

les idées de vie

battre dans l'enfer à mes portes d'acier

sens les pieds et les poings

qui me talent la chaire

neuf mois que son grand oeuvre dure

il crée une ouverture

pour que mon ventre

pénètre la lumière

dehors l'éclat de mon sang brise la nuit

et tu rugis la vie

fauve de mes entrailles en folie.

 

*

 

Fuite en lit.

 

Petite fille assise sur ses genoux

dans les draps démontés

d'un lit abîmé

ses mains s'agitant frénétiquement

a essuyer d'un mouchoir fatigué

le sang s'échappant

de l'attaque des oiseaux pies

ayant pris ses beaux yeux gris pour des perles jolies

toile pathétique au visage dénoyauté

champ de drame sous l'ombre des dieux permissifs

petite fille éprise de détresse

fuyant constamment dans un effroi grandissant

sur les beaux draps blancs de sa maman

elle vacille s'agite dans sa couche

contractée dans ses liens colorés

accouche d'un sanglot déchirant

se vide plus encore

égare ses couleurs

tandis que son corps

s'endort

de petites fées vermeilles

allument les mèches de longs cheveux

l'essence de sa vie

s'embrase sur le lit

elle danse jolie avec les petites fées

souriante

fuyant encore

fuyant au lointain

de ses couleurs.

 

*

 

Du jeune homme qui était resté un enfant.

 

Ce pincement au coeur

cette aigreur,

cette ombre voisine du néant,

était-ce vraiment une émotion d'enfant?

J'ai eu de nombreuses mères

aux mamelles généreuses

elles m'ont délaissé.

La dernière je m'abreuvais à son rivage,

lapant délicatement son écume laiteuse.

Elle n'a plus pour moi qu'une encre amère

qui poisse mon palais

et noue mon estomac.

Mes os tirés par la faim

je m'interroge,

est-ce venu le moment de quitter mon enfance ?

est-ce donc la faim qui interrompt la stase agréable de l'enfance.

J'ai vu ma barbe s'allonger

ma peau se tanner

puis se friper

mes sens s'évanouir

mais j'étais toujours un enfant.

est-ce maintenant ce creux dans l'estomac,

cette pomme qu'il désire,

qui annonce l'âge adulte,

qui annonce la mort,

de mon rire cristallin...

 

 

 

 

 

Morne 96-99