Entrée des larves

 

Le suisse de l'église menait paître ses chèvres dans l'avenue vide.

Quelques enfants mouraient ou séchaient aux fenêtres — c'était le printemps et les mains des hommes se déroulaient au soleil, offrant à tous le pain de leurs paumes que les enfants n'avaient pas encore mordu.

Sur les terrasses on se retrouvait entre terre et ciel ; il y eut beaucoup de crânes brisés ce jour-là, de jeunes gens qui voulaient voler au-dessus des jardins.

Les mouettes et les mouchoirs claquaient dans l'air et cassaient du bleu dans les vitres, des steamers de cristal s'enfuyaient par-dela les nuages.

Quand le soir vint, ce fut le tour des vieillards ; ils envahirent les rues, assis sur leurs tabourets de bois grossier, ils charmaient les pigeons et buvaient du lait chaud.

Le ciel était seulement un peu plus foncé et plus haut.

Les arbres s'étirent dans le parc et tendent des pièges aux papillons de nuit ; le suisse est rentré dans l'église et les chèvres dorment dans la crypte.

Les femmes hurlent soudain toutes avec des gorges de louves, parce que dans les faubourgs s'est glissé un homme nu et blanc venant des campagnes.

 

René Daumal.

 

 

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" La vie est le jeu de la mort. " Robo Meyrat. [1923]

 

La circulaire du Grand Jeu

Avant propos au premier numéro

Mise au point ou casse-dogme

M. Morphée empoisonneur public

Souvenir déterminant de Daumal

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